23/05/2008
Clichés et documentaires
Aux mois de janvier et février derniers avait lieu la 24e Fête du livre de jeunesse de Saint-Paul-Trois–Châteaux.
Micheline Verger, bibliothécaire jeunesse à la B.D.P. de Sorgues (dans le Vaucluse) a assisté aux conférences organisées lors des journées professionnelles autour du thème choisi cette année, la photographie et les clichés dans le livre jeunesse.
Voici le compte-rendu d'une rencontre qui a eu lieu le vendredi 1er février 2008.
Fête du livre de jeunesse de Saint-Paul-Trois–Châteaux
vendredi 1er février 2008
Clichés et documentaires
Débat animé par Philippe-Jean Catinchi, journaliste littéraire.
Trois pistes de réflexions posées aux intervenants :
1- Le rôle de la photographie dans le documentaire
2- L’articulation texte/légendes, illustrations…
3- Question de clichés, les idées reçues dans l’usage de la photographie
Valérie Tracqui, biologiste, directrice du pôle sciences aux éditions Milan jeunesse pour les collections : Patte ; Mini-patte ; C’est ma passion.
Son objectif est de transmettre sa passion en mettant le documentaire en scène. En général l’éditeur commande un texte et va chercher les illustrations qui soutiennent le texte. Valérie Tracqui fonctionne au contraire à partir de l’image. Elle choisit 200 ou 300 photos et crée le fil. L’image est fondamentale dans la transmission de l’information. Pour elle, le texte ne doit pas répéter ce que dit l’image.
Un documentaire doit remplir des fonctions fondamentales : A qui ça s’adresse ? L’âge du lecteur doit être défini clairement. Quel est l’objectif : surprendre, émouvoir ? L’enfant doit trouver les bonnes sources de pilotage, à savoir de quoi on parle, où on va. Même si on est sur du zapping, il ne faut pas perdre l’information.
Elle fait remarquer l’importance du cadrage et son goût de travailler par doubles-pages. Un lézard qui attaque sa proie par exemple. Le lézard est beaucoup plus gros que la fourmi qu’il dévore. Le cadrage est fait sur la gueule et la langue qui sort. Le lézard occupe le haut de la page de gauche (pour moitié) , la fourmi est sur la page en regard, dans un encart de petite taille en bas à droite.
Béatrice Decroix, responsable éditoriale aux éditions de La Martinière jeunesse.
La photographie c’est une lecture du monde qui permet de sensibiliser, de réagir. C’est l’objectif de la collection Raconté aux enfants (comme par exemple, la Terre racontée aux enfants). La photographie permet de mettre en avant, d’aller au-delà de la réalité avec le zoom.
Dans sa collection Raconté aux enfants, un seul photographe est sollicité par titre.
Béatrice élabore en premier lieu un synopsis pour réfléchir au sujet traité afin d’envisager tous les angles d’attaque. Elle effectue ensuite le tri des photos. Souvent les photos sont en contraste du texte. Beaucoup d’allers-retours entre les deux étapes lui sont nécessaires pour peaufiner sa quête pédagogique. La photographie lui paraît essentielle pour faire lire des non lecteurs.
Marie Houblon, iconographe pour l’Agence Magnum, directrice de collection pour Autrement jeunesse avec la collection Mon cahier de mots, mon cahier de photos. Voir par exemple le titre Au Cœur du combat
C’est une collection qui donne à voir des images qui ont parfois 60 ans. Ces images nous racontent le monde. Comment redescendre d’échelle, comment mettre les grands conflits à la portée des enfants ? Il faut choisir les mots du quotidien pour commenter la photo. L’image informe mais surtout sert à faire parler l’enfant, à l’interroger. Aucun enfant ne voit la même chose, de multiples sens se dégagent à la lecture des photographies. C’est avant tout ce qu’elle recherche, son objectif tend à élargir le regard du jeune lecteur.
En ce qui concerne le cadrage, la contrainte de travailler pour une agence fait qu’aucun recadrage n’est possible. Elle doit utiliser la photo telle qu’elle a été crée par l’artiste.
Béatrice Decroix, reprise de paroles autour de la question du cadrage :
Le texte vit seul, l’image aussi. Béatrice Decroix fait alterner une page de texte, une photographie, une double-page, une photographie…Elle recherche la non redondance. Par exemple dans son documentaire sur le développement durable La Terre racontée aux enfants, le texte pose les problèmes cruciaux, les photos montrent au contraire la terre sublimée. L’éditrice constate qu’en ce qui concerne le recadrage des photos, les photographes évoluent. Yann Arthus-Bertrand accepte par exemple qu’on mette du texte à l’intérieur de ses prises de vue, il accepte le zoom. Tout cela fait l’objet de concertations entre lui et l’éditeur.
Valérie Tracqui, dans la collection C’est ma passion, aborde des sujets qui attirent les enfants tels que les serpents, les baleines mais elle aime aussi donner à lire des sujets plus rares, comme l’étude du ver de terre, malgré le fait qu’ils se vendent peu. C’est en interrogeant les enfants sur ce qu’ils souhaitent savoir qu’elle a construit ses livres : un chapitre documentaire, un chapitre pour rêver, des fiches techniques, un chapitre sur les problèmes de l’animal présenté.
Béatrice Decroix et la question des clichés, des idées reçues.
Dans la collection Enfants d’ailleurs, elle constate qu’en géographie les représentations sociales sont marquées. Autrefois on présentait pour chaque pays des enfants très propres et bien souvent en dehors de leur cadre de vie réel. L’enfant était traité comme un objet exotique.
Dans La vie des enfants d’ailleurs, pour chaque pays, elle choisit trois enfants de milieux de vie différents. Elle ne se pose pas la question des clichés, et de la caricature. C’est avant tout une question d’équilibre. Les choix photographiques constituent la première étape d’élaboration puis viennent les illustrations dans un deuxième temps. Pour éviter les clichés, il faut choisir un photographe et un auteur qui ont vécu dans le pays présenté. C’est très important pour déterminer les couleurs. Tout est une confrontation de points de vue, il ne faut pas trahir la réalité.
Elle fait remarquer que les photographes sont chers par rapport aux illustrateurs. Le photographe est payé d’emblée et non sur les ventes du livre. Cela dévie la pluralité du regard. Ce qui serait idéal serait de consulter plusieurs photographes mais c’est impossible pour des impératifs économiques. Un livre jeunesse n’est rentable que dans sa réimpression .
Pour Marie Houblon, la question des clichés pose aussi celle de la dureté des images. Le photographe est le témoin du monde. Ca n’est pas léger. Edulcorer c’est faire du cliché. Montrer la réalité aux enfants cela fait partie de la prise de risques éditoriale. L’éditeur doit beaucoup réfléchir sur ce qu’il est possible de montrer, jusqu’où peut-il aller ?
En conclusion elle dira que le lieu commun du cliché c’est faire de la photographie une illustration.
Notes de Micheline Verger, BDP de Sorgues
14:22 Publié dans salons | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : livre jeunesse, photographie, documentaires
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